Mieux vivre sa ménopause au quotidien
Chaque année, 500 000 femmes françaises entrent dans la phase de la ménopause, confrontées à des symptômes qui varient en intensité et en nature. Quelles stratégies adopter pour vivre sereinement cette étape ?

Ménopause : un sujet encore tabou ?
La ménopause, toujours taboue ? 48 % des femmes de moins de 50 ans estiment qu’il est toujours difficile d’en parler, selon un sondage de 2023 pour la Fondation des femmes. Au travail, le sujet se fait encore très discret. Cathy, secrétaire comptable de 50 ans, parle plutôt de « pudeur » de part et d’autre. Selon elle, « les symptômes liés à la ménopause ne sont absolument par abordés dans le monde du travail, ni pris en compte par les employeurs ». D’un autre côté, elle ne se voit pas non plus dire à son patron, surtout si c’est un homme, qu’elle a des bouffées de chaleur !
« C’est seulement un passage naturel. »
En revanche, entre femmes, la parole se libère. Cathy en discute avec ses amies : « Cela nous rassure de savoir que d’autres ont les mêmes symptômes, que c’est seulement un passage naturel. » La docteure Cécilia Costa, médecin généraliste à Ajaccio et membre de l’URPS Médecins libéraux (URPS-ML) de Corse, évoque, elle, « une étape physiologique, comme l’est la puberté ».
Cette étape, donc, survient entre 45 et 55 ans, à 51 ans en moyenne. « A la naissance, les ovaires contiennent un stock d’environ un million d’ovocytes (ou ovules), qui chute naturellement à 600 000 ou 700 000 lorsque commence la puberté, précise l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (lyser). Ensuite, leur nombre diminue régulièrement à chaque cycle menstruel. La ménopause est la période de la vie au cours de laquelle ce stock s’épuise, avec moins de 1 000 ovocytes encore présents dans les ovaires. »
Périménopause : quand le cycle devient imprévisible
Deux à quatre ans avant la ménopause, le cycle menstruel joue au yo-yo : les règles deviennent irrégulières et elles sont plus ou moins abondantes. C’est la périménopause ou préménopause. « Moi qui étais réglée comme une horloge, à un jour près, je ne pouvais plus prévoir leur arrivée. Cette période fut pénible », raconte Cathy. En plus de l’arrêt des règles depuis plus d’un an, qui définit médicalement le statut de ménopause, 87 % des femmes présentent au moins un symptôme.
Les symptômes ressentis sont très variables d’une femme à l’autre, ils peuvent passer complètement inaperçus pour certaines et, au contraire, être très mal vécus par d’autres, pour qui la ménopause est une vraie souffrance », constate la généraliste d’Ajaccio. Les symptômes de la ménopause sont appelés « symptômes du climatère » ou « troubles climatériques ». Si ces désagréments s’atténuent avec le temps, « un quart des femmes les déplorent encore au bout de dix ans », relève l’Inserm.
Bouffées de chaleur et sueurs nocturnes
Le symptôme le plus fréquent de la ménopause est celui des bouffées vasomotrices, qui désignent à la fois les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes. « Quand mes amies, ma sœur ou ma tante parlaient de « leur » ménopause, je me disais que ça ne devait pas être si terrible d’avoir quelques bouffées de chaleur, rapporte Maryline, 53 ans, infirmière dans un centre hospitalier du centre de la France. J’avais tendance à minimiser. Mais, finalement, cela a un impact plus important que je ne l’avais pensé. »
Comme 70% des femmes, elle doit gérer ces coups de chaud soudains. « Petit à petit, les bouffées de chaleur sont devenues plus intenses, de plus en plus fréquentes. Un an après le début des premiers symptômes, j’ai eu des sueurs nocturnes. Ce qui est le plus désagréable, c’est d’être réveillée par une sensation d’étouffement, comme une oppression au niveau de la poitrine, une chaleur soudaine qui remonte jusqu’au visage et dans la nuque », confie-t-elle.

Traitement hormonal de la ménopause : pour qui, pourquoi ?
Maryline a essayé des traitements naturels, notamment des plantes, sans être complètement convaincue. Si l’hypnose est aujourd’hui reconnue efficace contre les bouffées de chaleur, toutes les femmes n’y ont pas accès. Quant au traitement hormonal de la ménopause (THM), tout comme Cathy, Maryline ne veut pas en entendre parler. D’ailleurs, seules 6 % des femmes prennent ce traitement.
« Je le prescris au cas par cas, précise la docteure Costa. J’en discute notamment avec les patientes dont les symptômes ont un retentissement fort sur leur quotidien et leur qualité de vie. Il faut bien réfléchir à la balance bénéfices-risques. »
Ce que confirme le docteur Bernard Huynh, médecin gynécologue et président de la branche « spécialistes » au sein de la Fédération des médecins français (FMF). Combinant un œstrogène et un progestatif, « le THM préserve la densité et la microarchitecture osseuse en réduisant le risque de fractures osseuses de 30 à 40 %, même chez les femmes à faible risque », explique-t-il. Le THM permet également de diminuer les bouffées de chaleur ou la sécheresse cutanée associées à la ménopause.
Le médecin gynécologue concède que ce traitement, décrié au début des années 2000, est contre-indiqué pour certaines femmes, celles qui ont eu un cancer du sein, par exemple. Mais il ajoute qu’à présent les professionnels de santé ont du recul par rapport à cette médication. On sait qu’elle est associée à une baisse de 30 % de la mortalité globale chez les femmes ménopausées traitées entre 50 et 60 ans. « A condition de prendre le traitement au cours des premières années de la ménopause », précise le docteur Huynh.
Sécheresse cutanée et intime
L’un des symptômes moins médiatisés de la ménopause est la déshydratation cutanée. « La ménopause, ce sont des modifications hormonales. Or ces hormones soutiennent un certain nombre de tissus, la peau, les cheveux, les muqueuses. On peut ressentir une sécheresse oculaire, quand on porte des lentilles de contact, et une sécheresse vaginale. Les cheveux aussi sont différents, plus secs, décrit le docteur Huynh. Tout ça, ce sont des ennuis qui peuvent être considérés comme peu importants, mais, pour de nombreuses femmes, cela a un retentissement majeur. »
Autre symptôme gênant dans le quotidien : les troubles génito-urinaires. Sous ce nom médical se cachent les infections urinaires, le relâchement du périnée et l’impériosité mictionnelle (envie d’uriner fréquemment, même si ce ne sont que quelques gouttes). Ces troubles génito-urinaires concernent 25 à 70 % des femmes. Face à eux, plusieurs solutions : la rééducation du périnée, prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale, chez une sage-femme ou un masseur-kinésithérapeute, contre le relâchement du périnée et l’impériosité mictionnelle : et une meilleure hydratation quotidienne pour éviter les infections urinaires.
Quant à la sécheresse vaginale, pour les femmes qui ne prennent pas de traitement hormonal, la docteure Costa prescrit un gel naturel (même action que du lubrifiant). Le docteur Huynh, lui, conseille d’arrêter tous les savons liquides, y compris ceux qui sont commercialisés pour la toilette intime car ils ont tendance à assécher les muqueuses. « De l’eau tiède suffit dans la majorité des cas, et si vous voulez un produit qui sente bon, prenez de l’eau micellaire. Toutes les lotions que l’on peut utiliser pour le visage sont adaptées à la vulve », assure-t-il.
Vie sexuelle et ménopause : un nouveau départ ?
Dans tous les cas, les deux médecins s’accordent sur le fait que la vie sexuelle et affective continue après 50 ans. Pour certaines, la ménopause est même une libération, quand elle relance la libido ou soulage les femmes atteintes d’endométriose des douleurs qui y sont associées. « J’attends ce moment avec impatience », confirme Cathy, qui en est encore au stade de la préménopause.

Bouger, manger mieux : les clés pour mieux vivre sa ménopause
La baisse hormonale peut agir sur la santé mentale et faire apparaître anxiété, sautes d’humeur, une certaine irritation, voire un trouble dépressif. Maryline et Cathy n’ont pas ressenti ces symptômes psychiques. En revanche, elles râlent face à ce corps qui a changé sans crier gare.
Maryline, qui a toujours été menue, confie : « Je vois bien un certain relâchement de la peau, notamment sous les avant-bras. Et tout ce gras que l’on prend au niveau de la ceinture abdominale, on en parle ? » Cathy aussi constate une prise de poids, en grande partie autour du ventre. « Les deux meilleures armes contre ces symptômes de la ménopause sont l’activité physique et une alimentation équilibrée », résume la docteure Costa. Côté alimentation, celle-ci suggère de faire la part belle aux acides gras polyinsaturés, aux fibres et aux laitages pour le calcium. Au contraire, les sucres ajoutés et l’alcool sont à limiter au maximum.
Quant au tabac, cette période est l’opportunité d’écraser sa dernière cigarette car il augmente le risque de maladies cardio-vasculaires et accélère le vieillissement de la peau. Côté sport, la généraliste recommande une marche rapide de vingt minutes tous les jours ou toute activité physique régulière. « Une activité physique, oui, mais pas n’importe laquelle », ajoute son confrère gynécologue. « Pour lutter contre l’ostéoporose, il est préférable de choisir une activité qui nécessite de porter son squelette : marcher, faire du vélo, par exemple. Mais le sport le plus complet est la danse car elle permet également d’entretenir sa souplesse », assure le docteur Huynh.
« Pour lutter contre l’ostéoporose, marchez, faites du vélo, par exemple. »
— Dr. Bernard Huynh
Autre recommandation du spécialiste de la santé des femmes : ne pas oublier de s’échauffer avant sa séance de sport. « Surtout, ne commencez pas à toute vitesse comme si vous aviez 20 ans … Prenez bien le temps de faire dix minutes d’échauffement en amont pour préparer à la Fois vos tendons et vos muscles, et ce, peu importe l’activité physique ! »
Pour lui, il ne faut pas attendre que les symptômes associés à la périménopause ou la ménopause soient trop pénibles pour en parler à son médecin. « Ces symptômes ne sont pas une fatalité. Dans un grand nombre de cas, les femmes qui dépassent la cinquantaine vont continuer à vivre une vie complète, agréable. » Quels que soient la femme, ses symptômes et son choix de traitement, pour la docteure Costa, « cette période est surtout l’opportunité de prendre soin de soi ».
Vivre positivement sa ménopause, agir sur les leviers du quotidien pour diminuer les risques et désagréments liés à ce cap de vie… C'est avec cet objectif que la Mutualité Française de Corse (MFC) a lancé en 2024 « Ma ménopause, j'en prends soin ! », un programme en 11 séances, dont 2 consacrées à l'alimentation, à l'activité physique et 3 à la sophrologie. Ainsi, 12 femmes ont déjà pu bénéficier de cet accompagnement pluridisciplinaire. Parmi elles, Carole, 52 ans, témoigne : « C'est rassurant de voir qu'on s'intéresse aux femmes traversant cette période délicate qu'est la ménopause et qu'on leur donne des moyens concrets pour y faire face. En suivant notamment les séances de diététique de ce programme, j'ai pu déculpabiliser par rapport à la prise de poids. Je mets maintenant en application certains conseils nutritionnels tout en me faisant plaisir. »
Pour Vannina Marsily, à l'initiative de ce programme, le bilan est largement positif : « Les séances d'activité physique (AP) animées par une éducatrice sportive ont permis à chaque bénéficiaire d'identifier ses ressources personnelles pour poursuivre une AP régulière. Certaines ont découvert des capacités qu'elles pensaient ne pas ou ne plus avoir. Toutes ont apprécié pouvoir échanger librement, la dynamique de groupe étant facilitée par la durée du programme. Enfin, grâce à la sophrologie, ces femmes peuvent maintenant agir sur la perception des douleurs et la gestion des émotions. » Forte de ce succès, la MFC travaille à étoffer « Ma ménopause, j'en prends soin ! » en y intégrant d'autres modules.
INSCRIPTIONS : https://corse.mutualite.fr/actualites/ma_menopause/