« Dys » : une lente reconnaissance
Un à deux élèves en moyenne par classe sont concernés par ces troubles cognitifs. Pourtant, leurs vulnérabilités demeurent globalement incomprises et les familles déplorent un parcours chaotique.

Les « Dys » et le défi des apprentissages
« Dans le cerveau d’une personne “dys”, l’information ne va pas du point A au point B. Au lieu de rejoindre cette “autoroute” comme c’est le cas pour la majorité des gens, elle ira se perdre dans toutes les départementales. » Présidente de la Fédération française des dys, Nathalie Groh se bat contre les a priori qui existent sur ces dysfonctionnements du neurodéveloppement. « Les enfants “dys” ne manquent ni de bonne volonté ni d’éducation. Leur particularité est qu’ils n’arrivent pas à reproduire des tâches qui semblent pourtant faciles, comme marcher ou s’habiller. Alors que pour les autres, il suffit de les avoir vues deux fois pour les assimiler. Les dysphasiques auront, par exemple, du mal à automatiser tout ce qui a trait au langage. Pour les dyspraxiques, ce seront les gestes moteurs. Les dyslexiques, dyscalculiques, et dysorhographiques auront quant à eux des difficultés avec les apprentissages de l’école. » S’ils concernent environ 10 % de la population française, soit 7 millions de personnes, les troubles « dys » restent pourtant globalement méconnus.
en France présentent des troubles « dys ». Soit 10 % de la population française (Fédération française des dys).
Retard dans les mentalités
Les enfants concernés ont longtemps souffert d’idées reçues. « Leurs empêchements étaient systématiquement associés à des difficul-tés psychologiques ou à des problèmes so-ciaux : des parents pas assez présents, ou trop sur leur dos… Ce qui a causé beaucoup de retard dans les mentalités en France. » Il faudra attendre 2018 pour que les « dys » soient officiellement reconnus comme des troubles du neurodéveloppement, alors que d’autres pays avaient fait cette démarche dès 2013. « Aujourd’hui, les données des neurosciences s’avèrent beaucoup plus solides, confirme Domitille Gras, neuropédiatre au centre référent des troubles du langage et des apprentissages (CRTLA) du CHU Bicêtre. Ces vulnérabilités relèvent de la façon dont les facultés cognitives se développent : la concentration, le langage et les capacités à se coordonner… Une ou plusieurs des fonctions orchestrées par le cerveau ne vont pas marcher de façon aussi efficiente que les autres. Ce qui peut alerter l’entourage est de voir apparaître certaines difficultés absentes chez les autres enfants du même âge. »
bénéficie des adaptations pédagogiques normalement prévues (Fédération française des dys).
Adapter l’environnement
A l’aide de spécialistes, un suivi pourra être mis en place afin d’accompagner et de contourner ces vulnérabilités – orthophoniste pour le langage oral et écrit, psychomotricien et ergothéra-peute pour la motricité. « L’objectif sera d’adapter l’environnement. Comme il s’agit de troubles du neurodéveloppement, il n’est pas possible de demander à ces enfants de faire encore plus d’efforts. C’est comme si on attendait d’un myope qu’il puisse lire sans lunettes », insiste la spécialiste. La prise en charge consiste donc d’abord à évaluer très précisément ces troubles, notamment à l’occasion de bilans pluridis-ciplinaires réalisés par des professionnels, puis d’envisager, avec la personne « dys », la rééducation à effectuer ou les aménagements à prévoir. A l’école, il peut s’agir de préconiser l’utilisation d’un ordinateur, qui nécessite bien moins de dextérité gestuelle, ou de distribuer des supports de cours davantage aérés avec des caractères plus grands. Cependant, ce suivi indispensable reste encore assujetti à de nombreux freins. Notamment à celui de la pénurie dans les métiers du soin, qui touche de plein fouet les professionnels de la rééducation. Les délais de consultation s’étendent de quelques semaines à plusieurs mois. « Il est grand temps qu’une vraie politique publique soit mise en place, et à tous les niveaux : éducation, santé… Il y a encore trop d’incom-préhensions et d’inégalités », complète Nicole Philibert, pré-sidente de l’association Atout-dys. Mais jusqu’à présent, les moyens engagés n’ont jamais été à la hauteur, et les obstacles sont restés les mêmes.
C’est quoi les troubles « dys » ?
La dysphasie
La dysphasie concerne le langage oral, aussi bien dans sa perception que dans la façon de le restituer. Elle se manifeste par une expression en style télégraphique, voire hachée, ou avec des oublis de mots. Les dysphasiques ont aussi du mal à comprendre ce qui leur est dit.
La dyspraxie
La dyspraxie relève du développement moteur, des fonctions visuelles et de la façon de se repérer dans l’espace. Maîtriser chaque geste devient alors compliqué. Cela peut se traduire par une incapacité à réaliser certaines actions du quotidien.
Le trouble de l’apprentissage
Le trouble de l’apprentissage désigne les vulnérabilités qui concernent les enseignements scolaires. Les dyslexiques ont des difficultés dans tout ce qui a trait au langage écrit et à la lecture. Ils peuvent confondre des lettres, inverser les syllabes… La dysorthographie se manifeste par des fautes d’orthographe et de grammaire, des difficultés à conjuguer les verbes.
La dysgraphie
La dysgraphie désigne les troubles de l’écriture. Les dyscalculiques ne parviennent pas à se représenter les nombres, ni leur importance.