Dyslexie, dyspraxie…: un parcours scolaire semé d’embûches
Obtenir un diagnostic et une prise en charge adaptée est déjà un défi pour les enfants « dys » et leurs familles. Face au manque de reconnaissance des troubles, stress et rejet de l’école s’installent, allant parfois jusqu’à la phobie scolaire.

L’école de tous les obstacles
La plupart des parents témoignent d’une même réalité : celle d’un combat permanent pour la reconnaissance des troubles de leur enfant. En effet, à l’école, les difficultés persistent. « Vous pouvez parfaitement tomber sur des enseignants compréhensifs et prêts à mettre en place toutes les adaptations nécessaires. Mais beaucoup restent cassants et réfractaires. Encore aujourd’hui, alors que Tiwaz* est âgé de 12 ans et que ses troubles de dyslexie et de dysorthographie ont été évalués depuis bien longtemps, certains professeurs m’expliquent qu’il n’a pas besoin d’aménagements car il est tout à fait capable de rire avec ses copains.
Mon fils a été démoli psychologiquement par quelques enseignants. » Lucine souligne les moments difficiles, les crises d’angoisse, et le désarroi qu’a pu ressentir son fils. « Il avait un rejet total de l’école. Il refusait de se préparer et ne voulait plus y aller. »
Tiwaz est loin d’être un cas isolé. En 2019, la Fédération française des dys a effectué un sondage, auprès de 1 500 enfants « dys ». Conclusion : 31 % d’entre eux développent une phobie scolaire.
Faire respecter leurs droits
Comme l’ensemble des parents, cette maman doit régulièrement rappeler au corps enseignant l’importance des troubles dont souffre son fils, ainsi que les empêchements que cela entraîne. « Lorsque je l’ai emmené chez l’ostéopathe, celle-ci m’a fait part de la souffrance physique de Tiwaz. La dysgraphie était si prononcée que le fait de devoir écrire entraînait une très grande tension dans toute son épaule. »
Depuis, la jeune femme a réussi à mettre en place un plan d’accompagnement personnalisé (PAP), c’est-à-dire un dispositif officiel validé par la médecine scolaire dont le but est de « définir les mesures pédagogiques qui permettent à l’élève de suivre les enseignements ». Mais Lucine reste en permanence mobilisée : « Je suis une maman qui luttera toujours pour que les droits de son fils
soient respectés. »
Se battre, le nerf de la guerre
Sonia, elle aussi, veille à ce que les adaptations nécessaires aux apprentissages de son fils, qui est dysphasique, soient bien observées. « Se battre, quand on est parent d’enfant “dys”, c’est le nerf de la guerre. Mais on est tellement habitué que l’on ne s’en rend même plus compte. Concrètement, il faut vérifier en permanence que les professeurs adaptent bien leur enseignement. Lorsqu’en CE1, je découvre que l’instituteur lui a donné trente mots de vocabulaire à apprendre par coeur, ce qui est incompatible avec sa dysphasie, je suis obligée de lui recommander de se limiter seulement à dix.
Aujourd’hui encore, au collège, les enseignants ne se soucient pas de savoir si Robin a bien compris l’énoncé. Il pourrait vraiment y avoir une meilleure considération de leur part. Mais ils ne sont absolument pas conscients des efforts incommensurables que ces enfants doivent fournir. »
Absence de formation
Médecins, professionnels de santé, associations et familles des jeunes personnes « dys », tous ceux qui suivent ces enfants au quotidien réclament que les enseignants soient mieux sensibilisés. Aucune formation n’existe à ce jour. Et pourtant, les statistiques font état d’un à deux élèves par classe concernés par une ou plusieurs de ces vulnérabilités.
Selon la Fédération française des dys, cette absence de formation conduit « à des situations de stigmatisation et de harcèlement de certains par les autres enfants, et parfois même par les adultes ». Sonia a dû organiser sa vie professionnelle afin de se rendre disponible pour Robin. « On est obligé de faire des choix. Pendant certaines périodes, je travaillais seulement à 50 % pour pouvoir m’occuper de lui. » Une grande partie de son temps est par ailleurs consacrée à réactualiser les mesures administratives. Parce que chaque plan d’adaptation à l’école et chaque demande de reconnaissance de handicap auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) doivent être renouvelés.
Les réponses mettent généralement plusieurs mois à arriver, ce qui compromet les encadrements déjà mis en place. Selon l’étude de la Fédération française des dys, seul un enfant sur dix bénéficie réellement des aménagements pédagogiques prévus.
Pour en savoir plus : Atoutdys (atoutdys.org), Fédération française des dys (ffdys.com).
*Certains noms ont été modifiés.
Créée en 2018, l’association Corsica Dys-Tdah s’offre comme un soutien parental et une structure-ressource en termes de conseils et d’informations, y compris auprès des enseignants. « En cas de suspicion de troubles “dys” chez leur enfant, les parents se sentent souvent perdus, explique la présidente Carole Simonetti.
Nous sommes là pour les orienter et les rassurer. Ensuite, nous restons à l’écoute des problématiques qu’ils rencontrent dans le parcours de santé, comme dans la gestion quotidienne des difficultés d’apprentissage.Il s’agit de dédramatiser une situation certes complexe, mais pouvant déboucher sur de belles histoires de vie ! »
L’association travaille également à rétablir la communication entre parents et enseignants lorsque celle-ci vient à rompre. En partenariat avec l’académie de Corse, elle organise des ateliers pédagogiques destinés à ces derniers et a publié un guide validé par l’Education nationale. « Plongée sous-marine, équithérapie…
Nous ne manquons pas non plus d’actions et de projets pour valoriser les personnes “dys” et les sortir de leur quotidien, adultes compris. Des initiatives de parrainage comme celle de la Mutuelle de la Corse nous aident. »