Une avancée en terre corse
En juin à Corte, le 2ᵉ séminaire « Médecine et sciences » visait à développer un axe de recherche en « Médecine numérique personnalisée » à l’université de Corse, avec les éclairages de Fabrice Barlesi et Dominique Barbolosi.

Médecine et modèles mathématiques
Fabrice Barlesi, acteur majeur de la recherche sur les thérapies innovantes contre le cancer, et Dominique Barbolosi, professeur des universités en mathématiques, instigateur de la démarche, nous apportent leur éclairage. Ce second séminaire est soutenu par le fonds de dotation de la MDC.
Que retenez-vous de ces deux journées d’échanges ?
Fabrice Barlesi : Qu’il ne peut y avoir ni recherche ni progrès médical sans discussions et partage entre différentes équipes. Cela permet d’ouvrir des collaborations et des champs d’investigation.
Dominique Barbolosi : Une telle démarche crée aussi de nouveaux débouchés en sciences pour des étudiants qui viendront encore enrichir le tissu de la recherche.
Quelles innovations concrètes recouvre la thématique de ce séminaire et avec quels apports pour la Corse ?
D. B. : Aujourd’hui, la médecine dispose d’une masse d’informations que l’on n’arrive pas à fédérer. Seules les mathématiques, via l’outil informatique, sont capables d’effectuer un tel tri et de fournir une puissante analyse des données permettant de faire ressortir des facteurs inaccessibles à notre seule intelligence. La modélisation mathématique, à l’instar d’une loupe, peut être vue comme une intelligence augmentée. Récemment, ce type de démarche nous a permis de faire ressortir que chez les enfants atteints de médulloblastome (tumeur cérébrale), les déclins cognitifs dus aux traitements étaient plus importants chez les filles que chez les garçons.
F. B. : En soins, l’intelligence artificielle fait matcher le meilleur traitement avec les caractéristiques de chaque patient, permet d’affiner les dosages et de réduire a minima le risque de séquelles dues aux thérapies. En suivi post-soins, certaines applications, comme Résilience, servent à monitorer les patients à distance. Tous ces progrès sont une source d’équité puisque, hors fracture numérique, vous pouvez y accéder partout. Par exemple, en Corse, on parle maintenant de modélisation mathématique pour les traitements par iode 131 des cancers métastasiques de la thyroïde, ou pour l’utilisation du curare dans les syndromes de détresse respiratoire aiguë…
D. B. : De plus en plus de médecins, y compris insulaires, comme le professeur Laurent Papazian (lire page ci-contre) par exemple, viennent vers nous, mathématiciens et scientifiques, avec des problématiques cliniques dont nous nous emparons tout en impliquant des étudiants qui, à la fois, se forment et nous aident, ce qui fait émerger de nombreux projets de haut niveau dans d’autres domaines que l’oncologie.
F.B. : La Corse se saisit là de l’opportunité de développer un champ de recherche ne nécessitant pas de grosse infrastructure – « seulement » des ordinateurs et des cerveaux humains ! – et qui va enrichir les activités de soins en favorisant la connexion hospitalo-universitaire, indispensable à la naissance d’un CHU dans l’île.